Crowdfunding: analyse des récentes réformes par Particeep

Le crowdfunding devient une réalité. Il est donc temps pour la France de s’adapter et de définir un contexte règlementaire donnant un statut aux plateformes de financement participatif mais protégeant également les investisseurs. Un décryptage s’impose pour mieux comprendre les enjeux et les solutions apportées.

Cette adaptation doit avoir lieu, dans l’intérêt économique de la France. Le financement participatif vient combler le « trou » de financement (« equity gap ») que subissent les start-ups en amorçage à qui ni les banquiers ni les capitaux-risqueurs ne prêtent.

La proposition de modification du cadre règlementaire parue le 30 septembre dernier lors des premières assises du financement participatif est la preuve que le gouvernement est concerné par le sujet, mais la lecture des propositions fait apparaitre qu’il souhaite procéder à tâtons, prudemment, sans réforme franche, laissant encore les différents acteurs du crowdfunding sur leur faim.
La France a déjà un temps de retard sur les Etats-Unis, et ce n’est pas la faute à son écosystème d’entrepreneurs et de « startupers » bouillonnant.

Avant de savoir quelles solutions apporter, il faut identifier clairement les acteurs de l’equity crowdfunding et comment répondre au mieux à leurs attentes.

Entreprises intéressées et montants ciblés

Les prétendants sont généralement des sociétés par action simplifiées, avec un capital social faible, souvent de secteurs technologiques, créées depuis moins de 3 ans, composées de 2 à 5 personnes et souhaitant lever entre 100 et 500k€.

Les investiseurs

Des particuliers CSP++,  des Business Angels, ayant une capacité d’investissement d’au moins 5,000 à 10,000 euros par an. Certains fonds d’investissement souhaitent également prendre des participations et profiter du catalogue de projets présentés et déjà qualifiés.
Il faut donc que particuliers, business-angels et fonds puissent co-investir au sein de la plateforme.
En moyenne, entre 10 et 50 investisseurs prennent part à un investissement et beaucoup plus consultent les informations relatives à une offre d’investissement.

 

Organisation des plateformes de financement participatif

Le visiteur non enregistré doit avoir la possibilité de voir certaines informations « non confidentielles » de l’entreprise (nom, pitch, montant levé, prix d’une part…).
Il accède aux informations confidentielles et à l’offre d’investissement en vérifiant son identité, en signant une charte de confidentialité ainsi qu’une lettre de mission.
Le nombre de personnes consultant une offre ne doit pas être restreint.
Les investisseurs ne doivent pas être séparés en deux groupes, qualifiés et non qualifiés.
Les investisseurs particuliers, business-angels et personnes morales (fonds) doivent pouvoir co-investir ensemble.

L’investisseur est informé du fort taux de faillite d’entreprises en amorçage, du risque de perte totale de l’illiquidité de son placement et de l’horizon de sortie d’environ 5 ans.
L’entreprise doit être étudiée (« due-diligencée ») par une équipe compétente, et un projet sérieux doit être présenté aux investisseurs. Une notice explicative et standardisée doit être produite (appelé le « crowdpaper » chez Particeep) pour informer les investisseurs des caractéristiques de la startup (équipe, marché, produit, risques, …) dans un langage technique abordable ou agrémenté d’un espace pédagogique pour les notions les plus complexes.

Les flux financiers doivent être gérés par la plateforme jusqu’à une certaine limite de volume mensuel, et les fonds doivent être déposés sur des comptes séquestrés pour garantir la sécurité des investisseurs.
Le business model des plateformes est généralement basé sur une commission appliquée aux investisseurs et/ou aux entrepreneurs qui est fonction des fonds levés et parfois d’un pourcentage de la plus-value réalisée lors de la revente des parts des investisseurs.
Enfin, sans tomber dans le démarchage, les plateformes ont besoin de communiquer sur les levées de fonds en cours. Quels entreprises souhaitent lever des fonds et pour quel montant.

Analyse des réponses apportées lors des assises

  • Les plateformes seront dotées du statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP).
    Pour l’obtenir, pas de minimum de capitaux propres. Les CIP exercent une activité de conseil sur les offres de titre de capital ou de dette exclusivement menée par le biais d’un site internet. Ils justifient d’un niveau de compétence professionnelle adapté (diplômes, expérience).
    Il s’agit donc d’une avancée certaine puisque l’activité du financement participatif est désormais reconnue. Quelques critiques déjà avancées quant à l’absence de minimum de capitaux propres pouvant amener des acteurs peu fiables et à des escroqueries ne sont pas fondées puisque l’obtention du statut de CIP préserve de l’entrée de personnes non compétentes ou peu scrupuleuses, et établi un code de bonne conduite. Fixer un seuil de capitaux propres ne changerai donc pas la donne.
  • La création d’un régime prudentiel dérogatoire pour certains établissements de paiement vise à permettre aux plateformes de financement participatif de gérer un volume de paiement inférieur à 3m€ par mois (avec des règles de contrôle simplifiées). Comme le précise le texte, il s’agit ici de faciliter la vie des plateformes dans leur phase de démarrage, et d’éviter qu’elles s’adossent à des prestataires de services en investissement (PSI) ou qu’elles n’aient à demander ce statut extrêmement lourd à obtenir. Un minimum de fond propre est cependant imposé (40k€). Le but est ici atteint, la vie des plateformes de financement participatif est facilitée pour la question des flux monétaires dans leur première phase de vie.
  • L’adaptation du régime et du périmètre des offres au public, qui consiste à relever le plafond permettant de rester hors de l’offre au public (qui nécessite des démarches longues, coûteuses et totalement inadaptées) de 100k€ à 300k€, l’offre ayant lieu une fois par an maximum, sur une plateforme internet.

Ce passage nous interpelle sur trois points. Tout d’abord ce plafond de 300k€ a vraisemblablement été fixé sans avoir étudié l’historique des levées de fonds habituellement situées entre 100k€ et 1M€.

Deuxièmement, ce plafond « saute » dès lors que moins de la moitié du capital est cédé, ce qui est souvent le cas. Il passe alors à 5m€, largement suffisant pour les entreprises en amorçage.

Enfin, on ne parle nullement du cas des SAS, qui concerne la majorité des entreprises souhaitant lever des fonds en phase d’amorçage. Or les plateformes se reposent aujourd’hui sur l’article L.227-2 du Code de commerce stipulant que la SAS ne peut procéder à une offre au public mais peut néanmoins procéder aux offres définies aux 2 et 3 du I et au II de l’article L.411-2 du Code monétaire et financier. Le 1 du I est donc exclu, c’est embêtant car il s’agit justement du fameux plafond relevé à 300k€ et du second plafond précité de 5m€. L’exception fait « pschitt » et reste inapplicable en l’état!

Les plateformes sont donc condamnées, dans le cas des SAS, à se contenter de l’exception basée sur la qualité des investisseurs, et donc de gérer investisseurs qualifiés et cercle d’investisseurs non qualifiés limité à 149 personnes. Il est important de noter que ces 149 personnes ne sont pas forcément celles qui investissent mais celle qui consultent les détails de l’offre d’investissement, et que cette limite est donc très contraignante. En appliquant cette exception, les sociétés ne doivent également pas céder plus de 20% de leur capital par an ce qui interdit un certain nombre de levées de fonds…


Pour être efficace, l’exception fondée sur le montant de l’offre doit donc être incluse dans les exceptions de l’offre au publique applicables au cas des SAS. Le montant doit quant à lui être ajusté en tenant compte des historiques de levées de fonds.

  • Les plateformes doivent informer les visiteurs des risques encourus (illiquidité, valorisation, perte totale en capital, etc…). Elles doivent mettre en évidence leurs critères de sélection et d’analyse des entreprises dont l’offre est publiée. Elles doivent aussi vérifier l’adéquation entre le profil de l’investisseur et le profil de l’entreprise cible. Il va de soi qu’avec ou sans cette obligation, toute plateforme sérieuse se doit de diffuser ces informations.
    La doctrine de l’ACPR et de l’AMF interdit par ailleurs la diffusion d’informations permettant d’identifier la société pour tout visiteur non enregistré. Devront donc figurer de vagues informations telles que le secteur d’activité ou la ville par exemple. Evidemment on se pose la question de l’utilité de cet écran de fumée... Difficile dans ce cas d’inciter les visiteurs à s’inscrire sur la plateforme.
  • Le dernier point concerne la rémunération des plateformes obligées de facturer une prestation administrative, juridique ou de communication, sans être indexées sur le montant levé. Le modèle économique repose donc sur la facturation d’honoraires de conseils, or les plateformes doivent être rémunérées proportionnellement à leur capacité à lever des fonds.

Le sujet des holdings regroupant les investisseurs n’a pas été évoqué. Certaines plateformes comme Particeep ont choisi de développer un système de communication optimisé entre investisseurs et entrepreneurs rendant caduque l’utilisation des holdings et l’interlocuteur unique. De plus la mise en place d’une holding ajoute de nombreuses contraintes et fait craindre une instabilité fiscale autour de la notion de holding animatrice.

Le texte récemment publié par les autorités ne répond que très partiellement aux attentes des acteurs du financement participatif. Certaines réactions virulentes ont montré la déception autour de ces propositions.

Fleur Pellerin a décidé d’aller dans le bon sens en reconnaissant la réalité du crowdfunding. Elle doit être accompagnée par les différents acteurs jusqu’à la fin de la consultation publique prévue le 15 novembre. De ces discussions sortira on l’espère un texte qui satisfera enfin l’ensemble des acteurs du crowdfunding.

Un article proposé par David Dumont, co-fondateur Particeep